La Marche générale des opérations (MGO) correspond à l’ensemble des étapes à suivre lors d’une intervention des sapeurs pompiers pour incendie.
La MGO ne doit pas être considérée comme une succession stricte et linéaire d’opérations à entreprendre car certaines phases sont complémentaires, d’autres menées en parallèle et d’autres permanentes. Il s’agit bien de l’approche à adopter pour le COS et l’ensemble des intervenants, c’est un socle commun.
LA RECONNAISSANCE
C’est l’évaluation de la situation, il s’agit de collecter les informations relatives :
- à l’analyse de la zone d’intervention,
- aux personnes et aux biens menacés,
- aux axes de propagation potentiels dans le temps.
Les questions à se poser face à l’incendie sont les suivantes :
- A quoi sommes-nous confrontés ?
- Quels sont les risques imminents ?
- Victimes ?
- Etc.
Cette évaluation doit être :
Précoce, instantanée
- Afin de procéder aux réactions immédiates,
- Définir les objectifs, et idées de manœuvre.
Permanente, afin d’analyser l’évolution de la situation dans le temps :
- Risques présents dans la zone d’intervention,
- Efficacité des actions entreprises,
- Evolution du sinistre.
Trois types de reconnaissances sont connus :
- la reconnaissance initiale,
- La reconnaissance secondaire ou complémentaire,
- La reconnaissance finale.
Cette phase de reconnaissance permet au COS de déterminer les objectifs et les idées de manœuvre.
LA VENTILATION OPÉRATIONNELLE
Il s’agit de l’ensemble des actions entreprises par les sapeurs-pompiers afin de maîtriser le flux gazeux dans la structure impactée par le feu donc la ventilation de celui-ci, qu’il s’agisse de son alimentation en air ou du rejet des gaz de combustion.
La ventilation opérationnelle permet trois actions principales :
- Protéger (empêcher les fumées de progresser dans un volume),
- Désenfumer (évacuer les fumées d’un local sans lien direct avec le local en feu),
- Attaquer (agir sur les fumées et le foyer, canaliser leur propagation).
La ventilation opérationnelle comprend :
- L’antiventilation,
- La ventilation à pression positive (VPP),
- Le désenfumage naturel ou forcé,
- La protection d’un volume par surpression,
- Etc.
La ventilation opérationnelle peut être combinée avec d’autres actions :
- Explorations,
- sauvetages,
- lutte contre les propagations,
- lutte contre les foyers,
- protection,
- aide aux déblais,
- etc.
LES SAUVETAGES
Les sauvetages restent la priorité des intervenants, il s’agit d’extraire les personnes soumises à un danger vital et imminent, alors que celle-ci ne peut s’y soustraire par ses propres moyens. Les actions de sauvetages comprennent :
Les sauvetages à vue
Les victimes sont visibles depuis l’extérieur (balcons, fenêtres, etc.), et nécessitent l’emploi d’échelles à main, de MEA (moyens élévateurs articulés) ou éventuellement du LSPCC.
Les sauvetages en exploration
L’accès aux victimes est réalisé par l’intérieur de la structure, dans un milieu généralement soumis à la chaleur, aux fumées, aux risques d’effondrements. L’accès à ce milieu hostile exige que les sauveteurs disposent :
- d’un moyen hydraulique adapté à leur mission et en particulier dans les locaux siège du foyer et ceux impactés par les fumées et gaz chauds,
- d’une ligne de vie (moyen hydraulique, commande, ligne guide, etc.)
L’extraction de la victime est réalisée par l’itinéraire d’accès ou par tout autre itinéraire jugé plus aisé et plus sûr. La protection respiratoire de la victime doit être recherchée.
Les options :
- Les communications existantes praticables,
- Les espaces sécurisés,
- Les échelles à coulisse,
- Les échelles aériennes,
- Le LSPCC.
Les victimes sont alors rassemblées en un point identifié afin d’être prises en charge.
LES ACTIONS CONTRE LE FEU
La lutte contre les propagations externes
Cette action défensive peut être réalisée selon trois sous-objectifs différents :
- Lutter contre la propagation au niveau de la source : pulvérisation réalisée sur un sortant d’où se dégagent les fumées et les flammes (refroidissement des produits de combustion).
- Lutter contre les propagations en réduisant le flux de chaleur rayonnée : utilisation d’une lance queue de paon (lance écran).
- Lutter contre la montée en température des biens soumis au rayonnement en les arrosant.
Éloigner le combustible potentiel du foyer est également une option possible.
La lutte contre les propagations internes
Il s’agit des actions de pulvérisation, d’utilisation de lance écran, de lances, en pénétrant dans le bâtiment, à l’extérieur du volume siège du feu. La création de trouées ou l’utilisation d’exutoires est également possible.
L’attaque massive depuis l’extérieur
Il s’agit d’une attaque agressive menée depuis une position défensive, cette attaque a vocation a être utilisée :
- quand les enjeux matériels ne justifient pas l’exposition des personnels,
- quand la ventilation du feu n’est pas contrôlable (nombreuses ouvertures, toitures effondrées, etc.),
- dans des feux de volumes et surfaces importants (feux d’entrepôts, hangars, etc.)
L’attaque massive depuis l’extérieur nécessite des moyens hydrauliques importants
L’attaque de feu naissant
Il s’agit d’une tactique offensive à engager lorsque la première équipe arrive sur place alors que le feu est encore contrôlé par le combustible et que la situation ne présente pas de risques pour les intervenants. Il s’agit d’une attaque directe et rapide d’un foyer nécessitant des débits relativement faibles.
L’attaque menée avec ventilation positive
Menée au contact du feu, cette attaque est très agressive contre le feu dans la mesure où les sapeurs-pompiers bénéficient d’atouts importants dans la lutte :
- visibilité grandement améliorée,
- chaleur évacuée.
Il s’agit d’une action offensive bien que les SP ne soient normalement plus soumis aux risques présentés par les fumées.
L’eau sera essentiellement utilisée pour refroidir les surfaces soumises à la pyrolyse ou incandescentes. Le refroidissement des fumées n’est généralement pas utiles puisque celles-ci quittent rapidement le volume.
Le débit d’application (125 à 250 l/min) doit permettre de refroidir les matériaux en ignition et doit si possible éviter une accumulation d’eau au sol qui pourrait engendrer d’autres dégâts.
L’attaque menée en antiventilation
Tactique offensive qui consiste à priver le feu de son comburant, notamment en limitant les ouverture entre le volume en feu et l’extérieur. Cette tactique sera le plus souvent utilisée dans des situations où le feu était déjà sous ventilé avant l’arrivée des équipes.
1er cas : progression dans le volume :
L’attaque en antiventilation nécessite parfois que les équipes soient en zone de danger important (dans le volume siège du feu ou dans les circulations enfumées). La progression dans ces circulations fait l’objet d’une sécurisation de la masse gazeuse (refroidissement et saturation en vapeur d’eau).
2ème cas : attaque depuis l’extérieur du local :
L’attaque est menée depuis l’extérieur du local en feu.
Il est également possible de pratiquer cette attaque depuis l’extérieur sans ouvrir la porte :
- lances très haute pression auto-forantes,
- lances forantes à frapper,
- lance classique avec trouée préalables.
L’attaque de transition
Appelée également attaque d’atténuation, il s’agit d’une attaque limitée dans le temps (de l’ordre de 10 à 15 seconde pour des volumes courants), menée de l’extérieur, destinée à réduire grandement la puissance du feu, pour mener immédiatement une attaque depuis l’intérieur. Il s’agit donc d’un passage du mode défensif au mode offensif.
L’attaque de transition permet de :
- Refroidir le volume, modérer le sinistre avant toute intervention dans la pièce par le binôme d’attaque. L’effet recherché est d’une part une vaporisation en partie haute, et d’autre part une retombée en pluie sur les zones incandescentes ; ce qui provoquera une vaporisation et créera un inertage sur les parties du foyer non atteintes par l’eau. Refroidir la pièce peut améliorer sensiblement les conditions d’intervention, même lorsque le jet n’est pas directement appliqué « à la base de flammes » ou sur le plafond.
- Faciliter la progression ultérieure dans le volume par le binôme d’attaque.
Le jet utilisé est un jet concentré dirigé depuis l’extérieur sur le plafond du volume en feu avec un débit important (de l’ordre de 250 à 500l/min).
Le débit important est nécessaire car :
- une faible partie de l’eau sera efficace,
- il convient de garantir un portée efficace (permettant d’atteindre l’étage concerné) et une diffusion suffisante après l’impact sur la paroi.
Cas de l’impossibilité d’agir sur la ventilation
Les attaques des feux développés en croissance qui seraient menées de façon offensive sans maîtrise de la ventilation comportent des risques certains.
Leur mise en oeuvre devrait rester exceptionnelle et ne peut se justifier que :
- par l’absence d’alternatives plus sûres,
- par une balances/risques qui reste favorable,
- par un potentiel combustible limité.
L’absence de maîtrise de la ventilation impose de fait des débits disponibles importants mais l’excés de débit ne peut compenser le défaut de maîtrise de ventilation car leur usage peut dans certaines circonstances mettre en danger les intervenants.
Repli défensif
Lorsque l’intervention de l’équipe peut devenir inefficace et dangereuse, elle nécessite de se replier pour modifier le dispositif. Il ne s’agit pas d’une tactique pour attaquer le sinistre mais d’une tactique adoptée en cours d’action pour passer du mode offensif à un mode plus défensif si les conditions s’aggravent pour les intervenants. Ce repli se fait sous protection hydraulique. Cette manœuvre n’est pas forcément intuitive, elle impose par exemple un petit écartement entre les membres du binôme.
Les angles de diffusion du jet doivent être adaptés à la situation et dirigés naturellement vers la masse gazeuse au plafond avec un débit important et des impulsions assez longues pour absorber un maximum d’énergie. Dès que possible, cette action doit être complétée par le cloisonnement du volume en feu : refermer la porte entre l’équipe et le feu.
LES ÉTABLISSEMENTS
Les établissements de tuyaux constituent une phase quasi systématique des opérations d’extinction, même si certaines extinctions peuvent-être menée à l’aide de moyens fixes ou mobiles de l’immeuble concerné ou même des moyens mobiles portables (extincteurs, seaux-pompes, couverture, etc.).
Les établissements de tuyaux sont destinés à permettre l’acheminement de l’agent extincteur aux lances, la plupart du temps de l’eau éventuellement additivée.
Le choix des tuyaux et les méthodes d’établissement sont adaptés en fonction de la situation et de ses enjeux mais aussi des contingences locales. Ce choix repose sur les principes suivants :
- Acheminer l’agent extincteur le plus approprié en général de l’eau additive ou non,
- Le faire dans les temps compatible avec la cinétique de l’opération,
- Préserver le potentiel physique des équipes pour favoriser la phase de lutte
- Anticiper les évolutions possibles du sinistre et par conséquent les prolongement ou complément à faire
L’établissement idéal et donc celui qui répond aux besoins, se fait rapidement et en sécurité, avec une économie de personnel et d’efforts. Il existe une grande variété de méthodes et techniques d’établissement qu’il convient de choisir en fonction de la nature des risques à couvrir mais aussi des contraintes de mise en œuvre.
LA PROTECTION
Les actions de protection revêtent une importance majeure car elles permettent d’éviter d’autres conséquences que celles qui sont directement liées à l’incendie (conséquences économiques par l’arrêt d’une activité et psychologique par la perte potentiel d’un élément de mémoire collective ou privée).
L’incendie de Notre-Dame est l’illustration même des enjeux de sauvegarde du patrimoine.
Protéger de quoi ?
Dans ces actions de protection on peut différencier :
- celles qui consiste à protéger les biens des effets directs du feu et des fumées,
- de celles qui résultent de la lutte contre l’incendie (tels que les dégâts des eaux et les éventuelles conséquences de la coupure des fluides).
Protéger comment et avec quoi ?
La protection peut concerner des biens manufacturés courants ou la construction elle-même. Il s’agit là d’une valeur financière. Mais la protection peut concerner des biens dont la valeur est patrimoniale, historique, artistique. Au-delà de leur valeur d’assurance, la destruction de ces biens peut représenter une perte définitive pour la société.
Elle peut aussi avoir pour objet de préserver des biens matériels dont la perte peut entraîner une forte complications de la vie des sinistrés dans la phase de retour à la normale. Il peut s’agir d’objets tel que des clés, des documents administratifs, justificatifs, etc. C’est vrai pour des particuliers mais aussi pour des entreprises (fichier clients, comptabilité, disques durs, etc.).
Enfin, la protection de l’environnement se fait généralement en deux temps :
La mise en place d’actions au cours de l’opération visant à canaliser les flux liquide ou gazeux
Gestion des eaux d’extinction par le confinement voir la récupération en fonction du sinistrés des polluants concernés
- La gestion des effluents gazeux potentiellement toxiques par la mise en place par exemple de rideau d’eau (générant de nouveaux effluents liquides potentiellement polluants),
- Les mesures permettant de vérifier la présence ou non de polluants liquide ou gazeux,
- La mise en place pour certains sinistre dans les heures et jours qui suivent l’opération est en lien avec les services partenaires des actions de mesure de pollution des sols et de l’atmosphère.
Là encore l’analyse systémique permet d’identifier des modes d’action portant sur la cible (déplacement de biens, isolement des points de captage d’eau potable) sur le flux (bâchage, endiguement, assèchement), mais aussi protection des fumées par la ventilation dès les premières phases de l’intervention.
Protéger quand ?
Quand l’eau ruisselle sur les biens à protéger, il est déjà trop tard. La protection peut être utile parfois avant même le début de l’extinction. C’est dès le début de l’intervention que la question se pose au COS.
LES DÉBLAIS
Les déblais permettent de faciliter l’extinction et d’éliminer les risques de reprise du feu.
Les déblais sont propices aux expositions des personnels aux toxiques gazeux, aux accidents dus à la fragilisation des structures, d’autant plus que parfois ils sont effectués par des sapeurs-pompiers qui ont participé aux phases initiales de l’intervention (fatigue, baisse de vigilance, difficultés à porter et faire porter l’ARI par exemple).
LA SURVEILLANCE
La surveillance permet de s’assurer de l’absence de reprise de feu et aussi d’assurer que des tiers ne viennent s’exposer aux risques avant que les sinistrés ou les services municipaux n’aient pu mettre en place les protections physiques et avertissements adaptés.
Le gardiennage des lieux n’est clairement pas une mission des SDIS mais les COS se doivent d’éclairer les sinistrés, à défaut l’autorité locale sur les mesures qu’il convient de prendre pour éviter les accidents.
La surveillance doit être effectuée en continu sur le site, avec les moyens de répondre à toute évolution défavorable de la situation.
Il est indispensable de ne pas sous-estimer le risque d’exposition à l’accident (chute, blessure, brûlure, etc.) ou aux toxiques (polluants de l’air et des surfaces souillées) pendant cette phase opérationnelle.
LE RELOGEMENT
Souvent occulté dans les premiers temps de l’opération de secours, la problématique de relogement, bien qu’étant des la responsabilité du DOS, peut devenir un point sensibles de l’opération, au détriment des autres actions.
Dès lors que le ou les logements impactés sont identifiés comme inutilisables (effets directs du feu : fumées, suies ; ou indirects : stabilité de l’édifice, absence d’énergie, etc.) le COS devra en informer au plus tôt le DOS.
LA RÉHABILITATION DES HOMMES ET LE RECONDITIONNEMENT DU MATÉRIEL
La réhabilitation des équipes, basée sur une organisation et des moyens humains et/ou matériels dédiés, consiste à maintenir les potentiel opérationnel des intervenants tout au long de l’opération. Sur la zone d’intervention, l’identification d’un emplacement dédié à la réhabilitation facilite sa mise en oeuvre.
Le reconditionnement du matériel est réalisé sur opération, et de retour au centre de secours.
Ces actions se réhabilitation / reconditionnement sont notamment décrites dans le guide de doctrine relatif à la prévention contre les risques de toxicité liés aux fumées d’incendie.
LA PRÉSERVATION DES TRACES ET INDICES
La préservation des traces et indices contribue à répondre à 3 objectifs principaux :
- faciliter l’identification de la manière dont le feu a débuté et s’est propagé (considérations juridiques, assurances, etc.),
- identifier les comportements ou équipements à risques (éducation des populations, évolutions technologiques),
- améliorer le retour d’expérience et l’amélioration continue des pratiques des sapeurs pompiers.
Il s’agit de limiter l’altération d’une scène d’incendie ainsi que sa contamination :
- observer et mémoriser,
- temporiser ou adapter les déblais,
- préserver la scène sans nuire à la qualité des opérations de secours.