En intervention, les sapeurs-pompiers doivent parfois décider en quelques secondes s’ils peuvent utiliser de l’eau ou non sur un feu impliquant des substances inconnues. Pour éviter les erreurs dangereuses, une phrase bien connue revient souvent : « On ne met pas d’eau sur tout ce qui finit par -ium… sauf les géraniums ». Cette règle mnémotechnique amusante cache une réalité chimique sérieuse. Mais est-elle fiable à 100 % ? Comment la compléter pour éviter les pièges ? Réponse dans cet article.

Pourquoi les anciens ont raison

On ne met pas d’eau sur tout ce qui finit par « IUM »… sauf les géraniums

Voici donc un des conseils reçus à mes débuts en caserne ; ne pas mettre d’eau sur les feux de matières combustibles qui se terminent par « IUM »…

Le suffixe « IUM » sert à former des noms de métaux ou métalloïdes : aluminium, sodium, lithium. Ces métaux peuvent se rencontrer à l’état pur mais peuvent également entrer dans la composition d’une substance, par exemple pour le phosphure d’aluminium.

L’utilisation d’eau sur des feux concernant ce type de matières est proscrite car susceptible de créer une explosion par la formation d’hydrogène (hautement inflammable).
Et c’est donc à ce titre que les anciens ont raison !

Pourquoi éviter l’eau sur certains « ium » ?

De nombreux métaux réactifs portent des noms qui se terminent en -ium : sodium, lithium, magnésium, aluminium, potassium… Lorsqu’ils brûlent, ajouter de l’eau peut aggraver la situation :

  • Réaction chimique violente : formation de dihydrogène (gaz explosif).

  • Projection de métal en fusion : risque de blessures graves.

  • Propagation rapide de l’incendie.

Ces feux sont classés feux de classe D (métaux), et l’eau est strictement proscrite.

Rappels sur les classes de feux

Les feux de métaux sont de feux de classe D. Il s’agit d’une classe de feu spécifique pour laquelle l’emploi d’agent extincteur tel que les poudres, le ciment sec ou les silicates est conseillé.

 

Le suffixe IUM sert également à former des noms de plantes et des noms de lieux, mais les risques liés à l’emploi d’eau sur un géranium ou un aquarium sont assez limités. Il semblerait même que l’utilisation d’eau dans ce cadre soit pleinement conseillée, mais je laisse aux aquariophiles et aux botanistes le soin de développer ces sujets.

Chlorosilane ne se termine pas par IUM

Et bien d’autres substances réagissant avec l’eau non plus ; et la difficulté est là. Bien que juste, l’affirmation « pas d’eau sur tout ce qui finit par « IUM » n’est pas complète.

Alors comment savoir si je peux appliquer de l’eau sur un produit ?

Plusieurs indications existent…

La plaque orange sur un transport de matière dangereuse :

Un code danger précédé de la lettre X indique que la matière réagit dangereusement avec l’eau.

L’étiquette de classe de danger

Matière hydroréactive, dégage des gaz inflammables au contact de l’eau.

Dans la documentation opérationnelle,

Dans le guide des sapeurs-pompiers de Genève, l’échelle de danger ( de 0 à 4), et notamment la case blanche (réaction avec l’eau)

 

Les mentions de danger, les informations et les conseils sur les emballages de produits:

H260 Dégage, au contact de l’eau, des gaz inflammables qui peuvent s’enflammer spontanément
H261  Dégage, au contact de l’eau, des gaz inflammables
EUH014 Réagit violemment au contact de l’eau
EUH029 Au contact de l’eau, dégage des gaz toxiques
P223 Éviter tout contact avec l’eau, à cause du risque de réaction violente et d’inflammation spontanée.

Quelles alternatives à l’eau ?

Pour les feux de métaux ou de substances incompatibles avec l’eau, il existe des agents d’extinction adaptés :

  • Poudre spéciale classe D

  • Sable sec

  • Couverture de confinement

  • Agents inertants (type argon ou azote, en milieu fermé)

La phrase « On ne met pas d’eau sur tout ce qui finit par -ium sauf les géraniums » est un outil mnémotechnique apprécié des sapeurs-pompiers. Elle permet de se méfier des métaux ou produits dangereux qui réagissent à l’eau. Toutefois, elle ne doit jamais se substituer à l’analyse des étiquetages, codes et fiches produits.

 


FAQ – Risques liés à l’utilisation de l’eau lors des interventions des sapeurs-pompiers

  1. Pourquoi l’eau est-elle dangereuse sur certains feux ?
    Parce qu’elle peut réagir violemment avec certains métaux ou produits chimiques, provoquant des explosions ou la libération de gaz inflammables ou toxiques.

  2. Quels types de feux ne doivent jamais être éteints à l’eau ?
    Les feux de métaux (classe D) comme le lithium, le sodium ou le magnésium, et les feux impliquant des substances réactives à l’eau (ex : carbure de calcium, chlorosilanes).

  3. Quels métaux réagissent dangereusement à l’eau ?
    Lithium, sodium, potassium, magnésium, aluminium (en poudre), entre autres.

  4. Quels sont les risques principaux en cas de mauvaise utilisation de l’eau ?
    Explosion, projection de métal en fusion, dégagement de gaz inflammables ou toxiques, aggravation de l’incendie.

  5. Comment identifier si un produit est incompatible avec l’eau ?
    En lisant les étiquetages de danger (phrases H et EUH), les plaques orange ADR (code danger avec X) et les fiches de données de sécurité (FDS).

  6. Que signifie le X dans un code danger comme “X423” ?
    Cela indique que la substance réagit dangereusement au contact de l’eau.

  7. Peut-on utiliser de l’eau sur un feu de batteries lithium-ion ?
    Non, en général l’eau est inefficace voire dangereuse. On privilégiera la surveillance, le refroidissement à distance et des agents adaptés (poudres spéciales, mousse encapsulante selon les cas).

  8. Que faire si l’on soupçonne la présence d’un produit dangereux réactif à l’eau ?
    Ne pas engager d’eau, sécuriser la zone, demander une reconnaissance chimique, consulter les guides opérationnels et faire appel à une équipe spécialisée (CMIC/CMIR).

  9. Existe-t-il des substituts à l’eau pour ces feux particuliers ?
    Oui : poudres sèches spécifiques classe D, sable sec, couvertures ignifuges, mousse spéciale ou agents inertants.

  10. Est-ce que tous les produits finissant par “-ium” sont dangereux avec l’eau ?
    Non. C’est une règle mnémotechnique imparfaite. Certains mots comme “géranium” n’ont rien à voir avec la chimie. Seule une analyse précise permet de conclure.

  11. Pourquoi dit-on « on ne met pas d’eau sur ce qui finit par -ium sauf les géraniums » ?
    C’est un moyen mnémotechnique utilisé pour rappeler le danger potentiel de certains métaux avec l’eau, tout en soulignant que ce n’est pas une règle infaillible.

  12. L’eau est-elle toujours interdite sur un feu impliquant des produits chimiques ?
    Non, cela dépend des propriétés du produit. Certains réagissent violemment à l’eau, d’autres non. Il faut se référer à la documentation opérationnelle et aux étiquettes.

  13. Est-il possible de refroidir une zone avec de l’eau sans l’appliquer directement sur le produit ?
    Oui, le refroidissement indirect ou à distance peut parfois être envisagé, avec prudence et après évaluation des risques.

  14. Peut-on utiliser de l’eau pour éviter la propagation d’un feu chimique ?
    Parfois oui, en protection périphérique (rideau d’eau, protection des structures), mais jamais en contact direct avec un produit réactif.

  15. Où les sapeurs-pompiers peuvent-ils trouver les informations fiables sur la compatibilité avec l’eau ?
    Dans le Guide TMD, les fiches FDS, le logiciel HAZMAT, les outils SINUS ou TRANSAID, ou en demandant l’appui d’un conseiller technique ou CMIC.