Lors des opérations de secours, les sapeurs-pompiers sont régulièrement confrontés à des situations complexes et stressantes où des décisions doivent être prises en quelques secondes. Dans ce contexte d’urgence, les biais cognitifs, qui sont des erreurs systématiques dans la pensée, peuvent influencer inconsciemment leurs jugements et actions. Comprendre ces biais est essentiel pour améliorer la prise de décision et réduire les erreurs opérationnelles. Cet article explore les principaux biais cognitifs auxquels les pompiers sont exposés et propose des exemples concrets d’interventions où ces biais peuvent se manifester.

Le Biais de Confirmation

Le biais de confirmation est la tendance à privilégier les informations qui confirment nos croyances préexistantes, tout en ignorant ou minimisant celles qui les contredisent.

Lors d’une intervention, les pompiers peuvent être influencés par des informations initiales qui les mènent à se concentrer sur une hypothèse, un scénario précis et à chercher des preuves qui confirment cette hypothèse tout en ignorant celles qui la contredisent.

Le Biais d’Ancrage

Le biais d’ancrage est la tendance à se fier trop fortement à la première information reçue, ce qui influence les décisions ultérieures.

Exemple opérationnel :

Sur une scène d’accident de la route avec de multiples victimes, le premier triage secouriste peut mettre en évidence une victime urgence absolue et d’autres victime a priori en urgence relative. En s’ancrant sur cette évaluation initiale, les pompiers risquent de concentrer leurs efforts sur cette victime au détriment de bilans complémentaires et d’une surveillance accrue sur les autres victimes. Si une autre victime présente un traumatisme interne non visible à première vue, cette ancrage sur la première information pourrait mener à un sous-évaluation et une prise en charge inadaptée.

L’Illusion de Contrôle

L’illusion de contrôle est la tendance à surestimer son influence ou son contrôle sur une situation qui dépend en grande partie de facteurs extérieurs.

Exemple opérationnel :

Lors d’une intervention en milieu naturel, comme un incendie de forêt, un chef d’équipe peut surestimer sa capacité à contenir le feu en déployant un certain nombre de moyens, alors que des conditions extérieures rendent la situation plus difficile à maîtriser. Cette illusion de contrôle peut conduire à une exposition excessive des équipes à des dangers imprévisibles, augmentant ainsi les risques pour les pompiers eux-mêmes.

Le Biais d’Automatisation

Le biais d’automatisation est la tendance à accorder une confiance excessive aux systèmes automatisés ou aux procédures standards, même lorsqu’ils présentent des limites.

Exemple opérationnel :

Lors d’une intervention chimique, les sapeurs-pompiers peuvent se fier exclusivement aux indicateurs de leurs détecteurs de gaz pour évaluer réaliser le périmètre réfléchi et organiser la zone d’intervention. Cependant, en cas de défaillance du matériel ou de conditions non prévues par les capteurs, cette confiance aveugle dans la technologie peut mener à une sous-évaluation des risques réels. Une approche critique et une vérification croisée avec d’autres méthodes d’évaluation sont essentielles pour éviter ce piège cognitif.

L’Effet de Groupe (ou Pensée de Groupe)

L’effet de groupe, ou pensée de groupe, survient lorsque le désir de maintenir l’harmonie au sein d’une équipe conduit à éviter la remise en question des décisions prises collectivement, même si certains membres ont des doutes.

Exemple opérationnel :

Lors d’une opération de sauvetage en bâtiment effondré, un groupe de pompiers pourrait décider de s’engager dans une zone jugée à haut risque en raison de pressions collectives ou d’une décision de la majorité. Les membres ayant des inquiétudes sur la stabilité de la structure pourraient choisir de ne pas exprimer leurs réserves, craignant de ralentir l’intervention ou d’aller à l’encontre de l’opinion générale. Ce manque de discussion ouverte peut accroître le danger pour l’équipe, en ignorant des signaux d’alerte potentiels.

Le biais de surconfiance

La surconfiance dans ses compétences ou connaissances peut entraîner des erreurs.

Exemple opérationnel

Un pompier expérimenté peut se sentir trop sûr de lui en évaluant une situation complexe, comme un incendie industriel avec des produits chimiques, en se basant sur des expériences passées, sans tenir compte des nouvelles informations ou de la complexité de la situation.

Conclusion

Les biais cognitifs sont une réalité dans toute situation de prise de décision, et encore plus dans des contextes d’urgence comme les interventions des sapeurs-pompiers. Bien que ces biais soient inhérents à la nature humaine, les identifier et en être conscient permet de limiter leurs impacts sur le terrain. En mettant en place des formations adaptées, en encourageant la remise en question des hypothèses et en favorisant une communication ouverte au sein des équipes, les sapeurs-pompiers peuvent améliorer la qualité de leurs décisions et accroître la sécurité de leurs interventions.

 

Pour aller plus loin sur ce thème, une publication de l’ENSOSP :

Facteurs décisionnels individuels, collectifs et organisationnels : leur prise en compte par les officiers de sapeurs-pompiers